Trois années ont passé ; ce qui devrait suffire pour commencer d’apporter des réponses à cette question plus scabreuse que simple (ce qu’elle semble) : qu’est-ce le sarkozysme ? Scabreuse : n’est-ce pas faire trop d’honneur à celui qui l’incarne ? Simple : qui peut dire, même après tant d’années, ce qu’est exactement le berlusconisme, auquel on est pourtant porté à le comparer ?
Si « sarkozysme » il y a, bien sûr. Au sens où existerait réellement une « politique » sarkozyste. Au sens où l’on n’aurait pas davantage affaire à un pur et éhonté opportunisme (à une agitation pulsionnelle), tantôt s’alimentant aux traditions les plus droitières (délibérément, maintenant), tantôt empruntant hypocritement à la rhétorique sociale (au moins au début) ; tantôt affichant sans complexe son amour servile de la puissance et de l’argent, tantôt témoignant de son populisme ; tantôt encourageant le capitalisme le plus effronté, tantôt prétendant entreprendre sa moralisation, etc., selon les jours, selon les circonstances.
Pour douteuse qu’elle soit, nous avons toutefois fait cette supposition : qu’il existe bien un « sarkozysme », autrement dit une « politique » de Sarkozy (laquelle, d’ailleurs, ne se limiterait pas aux camp et clan majoritaires). Nous abstenant cependant de chercher à penser celle-ci dans sa totalité, c’est-à-dire nous gardant de prétendre apporter des réponses globales à la question que pose son éventuelle définition. Nous avons procédé autrement. En établissant un dictionnaire. Un dictionnaire du « sarkozysme ». Et en invitant chacun de ceux que nous avons sollicités à choisir un mot, un seul, mais qui lui paraît se rapporter à cet étrange et exaspérant objet (Sarkozy, le sarkozysme), et de nature à développer une désignation et une définition susceptibles de servir à la désignation et à la définition de celui-ci.
On notera que les textes qui suivent ont tous été écrits avant l’embardée ultra sécuritaire et xénophobe de cet été 2010. Certes, plusieurs de ceux-ci l’anticipent et l’annoncent. Il ne fait pas de doute cependant qu’un nombre beaucoup plus considérable y eût été consacré s’ils avaient pu l’être après.
Sommaire :
- AFRIQUE, Jean-Loup Anselme
- APPARITION, Jacques Brou
- AUTOSATISFACTION, René Schérer
- AVATARS, Jean-Paul Michel
- CAPITALISME, Isabelle Garo
- CON, Alain Jugnon
- CYCLOPE, François Athané
- DÉCOMPLEXÉ, Christiane Vollaire
- DÉCOMPLEXER, Plinio Prado
- DÉMISSION, Hervé Carn
- « DÉVOIXMENT », Alain Hobé
- ÉQUITÉ, Michaël Löwy
- FASCISME (DÉMOCRATIQUE), Mehdi Belhaj Kacem
- FALSIFICATION, Sophie Wahnich
- FAMILIARITÉ, Yves Dupeux
- GESTION, Sébastien Raimondi
- IDÉOLOGIE, David Amar
- IRRÉEL (du passé), Francis Marmande
- LAÏCITÉ, Alain Naze
- NATUREL, Robert Cantarella
- PESTICIDES, Bernard Noël
- POLITICIDE, Véronique Bergen
- PRINCESSE DE CLÈVES, Jacques-Henri Michot
- RACAILLE, Gérard Mauger
- RAGE, Boyan Manchev
- SARKOSE, Jacob Rogozinski
- SARKOZYSME, Jean-Luc Nancy
- TABOU, Jean-Paul Dollé
- TERRORISME, Mathilde Girard
- TRAVAIL (1), Philippe Hauser
- TRAVAIL (2), Gérard Briche
- VIE, Martin Crowley
- XÉNOPHOBIE (1), Olivier Le Cour Grandmaison
- XENOPHOBIE (2), Philippe Corcuff
- Michel Surya, Le voile, la transparence et l’État
- Pierangelo Di Vittorio, Penser le fascisme aujourd’hui
- Serge Zenkine, Homo sacer des camps : Robert Antelme
- Michel Surya, Préface à Lieu commun de Alain Hobé