Les temps ne sont plus à être aussi libres que Jean-Paul Curnier l’a été, jusqu’à sa mort le 5 août 2017. La liberté a perdu la plupart de ses attraits, dont on ne sait plus quoi faire, dont on a peur de faire quoi que ce soit. Pas pour lui, à qui elle n’a jamais suffi.
Toute son œuvre le démontre. Philosophie ou pensée, comment la résumer d’un mot ? Celui-ci peut la qualifier, qui ne la réduit pas : le rire. Ce rire, peut-être Jean-Paul Curnier l’a-t-il intellectuellement tenu de Baudrillard. Sans doute de Nietzsche et de Bataille aussi, auxquels il aura été indéfectiblement fidèle. De Sade enfin, qu’il ne citait jamais sans hilarité. Un tel rire (un état de la pensée, pas un concept) prescrit que la pensée, nécessairement, est un jeu. Un jeu tragique. Rire et jouer du tragique de l’existence, rire pareillement de tous les autres et petits tragiques. Le tragique politique, notamment – car pour l’essentiel, son œuvre est politique –, en s’employant à l’aggraver : ses deux plus grands livres politiques sont Aggravation et Prospérités du désastre, nés dans la revue Lignes, dont il a été l’un des maîtres d’œuvre durant trente ans. « Cap au pire », telle serait sa commination (toute beckettienne) pour, à défaut de savoir ce qu’il en résultera, au moins que cesse ce qui est.
Textes de : Alain Hobé | Michel Surya | Jean-Pierre Ostende | Sébastien Raimondi | Xavier Person | Alain Jugnon | Alphonse Clarou | Emmanuel Laugier | François Séguret | Jean-Paul Curnier | Pierre-Ulysse Barranque | Paul Audi | Mathilde Girard | Jean-Paul Galibert | Robert Cantarella | Rudy Ricciotti | Alain Kruger | Sylvain Prudhomme | Serge Bossini | Christian Lacroix | Henri-Pierre Jeudy | Jacques Durand | Christophe Fiat | Christian Milovanoff | Guy-André Lagesse | Cédric Mong-Hy | Emmanuel Loi | Sébastien Thiéry | Gaëlle Obiégly
Recension par Didier Pinaud dans L’Humanité le 29/10/2018.