À l’occasion de son vingtième anniversaire (le premier numéro a paru aux Éditions Séguier en 1987), Lignes a proposé à ses principaux collaborateurs de livrer, chacun à sa façon, un regard retrospecif sur les vingts années passées. Conçu sur le mode de l’enquête, ce numéro abordera les principaux événements (politiques, artistiques, intellectuels, etc.) survenus dans les 20 années écoulées.
Format exceptionnel, sommaire exceptionnel pour un numéro qui veut l’être et qui l’est en effet. Qui l’est par le seul fait que c’est son vingtième anniversaire que Lignes fête. Et il y a en effet quelque chose d’exceptionnel à ce qu’une revue atteigne à cet âge « honorable » sinon « vénérable » (vingt ans, c’est 60 numéros parus, quelques 500 collaborateurs d’une contribution au moins, des milliers de pages – mais le moment n’est pas encore venu d’établir un bilan précis). Exceptionnel a fortiori, Lignes ayant en effet failli disparaître à plusieurs reprises, la dernière fois il y a quelques mois seulement.
Lignes n’a pourtant jamais été cherché à être honorable ; on a même dit de Lignes, et beaucoup l’ont dit, qu’elle faisait tout pour ne pas pouvoir prétendre à « l’honneur » ou à la « vénération » auxquels toutes les revues prétendent pourtant. C’est ce qui fait son histoire et ce qui fait que son histoire distingue cette revue d’idées de toutes les autres dans la même période : pour partie savante (opposant de facto l’exigence en soi de la pensée aux rodomontades qui en tiennent lieu dans les médias de masse), la revue est aussi une revue « critique » ; façon de dire, par euphémisme, que, pour une revue essentiellement faite par des philosophes, elle n’en est pas moins une revue politique – on aurait dit il n’y a pas si longtemps une revue « engagée », ou d’opposition, ce qui n’est certes pas la règle à une époque où tout le monde consent et se couche.
Le même esprit sera à l’œuvre dans ce numéro : il ne s’agit pas en effet de fêter la revue elle-même et ses vingt ans. Il s’agit plutôt de tenter de penser ensemble ces vingt années que nous venons de vivre et que la revue a elle-même vécues : 1987-2007. Les penser en totalité ou les penser en partie. En totalité, pour ceux qui ne voudront pas séparer dedans et préféreront s’attacher à ce qui s’y est généralement passé, et quelles grandes « lignes » peuvent en être dégagées. En partie pour d’autres, qui préféreront s’attacher à tel ou tel événement, grand ou petit, vrai ou faux – historique, politique, intellectuel, idéologique, artistique (un livre, une œuvre…), etc., non seulement parce que celui-ci leur aura paru présenter en soi une importance décisive ou, au moins, significative ; mais, en outre, parce qu’il engagerait quelque chose du sens de ces années mêmes.
Numéro double
480 pages, 30 euros
Rapide présentation de la revue Lignes :
Créée en 1987 par son directeur actuel, Michel Surya, la revue Lignes a connu trois éditeurs en dix-neuf années d’existence, jusqu’à ce que le dernier en date lui retire son soutien, fin 2006. L’année 2007 est celle de son vingtième anniversaire. Les tribulations éditoriales qu’elle a connues jusqu’ici ne l’ont cependant pas empêchée de paraître sans interruption, à raison de trois numéros par an. Ce qui représente aujourd’hui 60 numéros parus (38 d’une première série, 22 d’une deuxième), accueillant, à raison de quelques 750 pages par an, 500 signataires d’au moins une contribution.
Lignes est une revue de théorie critique aussi bien qu’une revue généraliste ; une revue d’idées aussi bien qu’une revue attachée aux questions de la littérature et de l’art ; une revue d’analyse aussi bien qu’une revue d’opinion ; une revue savante (certains numéros spéciaux) aussi bien qu’une revue « ouverte » (de vulgarisation) ; une revue historiographique, s’attachant à reformer des généalogies intellectuelles, aussi bien qu’une revue d’actualité ; une revue philosophique aussi bien qu’une revue politique.
Autrement dit, elle peut aussi bien, comme récemment, ouvrir un chantier sur les émeutes des banlieues (on peut dire qu’elle n’a jamais hésité à s’affronter aux problèmes contemporains : racismes, intégrismes, nationalismes, inégalités) ou sur les problèmes de l’édition et de la librairie, que composer des numéros proposant de relire et repenser les grandes œuvres constitutives de la modernité (Nietzsche, Benjamin, Adorno, Sartre, Bataille, Blanchot, Pasolini…) ou de remettre en scène les grands engagements intellectuels et politiques de l’histoire récente (par exemple antifasciste et antistalinien : Antelme, Rousset…).
Sommaire :
1.
Michel Surya, Reconstitution (incomplète) d’une histoire (inachevée)
en 41 séquences
2.
Daniel Bensaïd, Retours de la question politique.
Gérard Raulet, La mise au pas.
Miguel Abensour, Philosophie politique, critique et émancipation ?
3.
Gérard Bensussan, Parler politique
Jacob Rogozinski, De quelle Atlantide engloutie
Jean-Paul Dollé, Chronique d’une débâcle annoncée
Jean-Loup Amselle, La facture postcoloniale
4.
Étienne Balibar, Eschatologie / téléologie
Marc Nichanian, Témoigner et traduire
5.
Martin Crowley, Dialectique intempestive
Anselm Jappe, La princesse de Clèves, aujourd’hui
Robert Harvey, Une occasion manquée
6.
Bernard Noël, De l’impuissance ?
Véronique Bergen, Un siècle s’achève-t-il jamais ?
Daniel Wilhem, Frivolités
Jean-Paul Curnier, Un Tour nouveau
7.
Stéphane Nadaud, Les limbes ou l’anté-purgatoire
Alain Jugnon, Hontologie de l’homme-cinéma
André S. Labarthe, Belle à faire peur
Robert Cantarella, J’ai découvert l’art théâtral…
8.
Rada Ivekovic, Avant et après
9.
Sommaires des 60 premiers numéros de Lignes : 1987-2007