À mi-chemin du documentaire et de la fiction, Viande froide s’attache à imaginer et à décrire la manière dont on travaillait, vivait, pensait, et côtoyait la mort, dans l’entreprise municipale, des Pompes funèbres, situées au 104 de la rue d’Aubervilliers (dans le XIXe arrondissement de Paris). Jusqu’en 1986, ces dernières disposaient du monopole de l’activité funéraire sur la ville de Paris.
Mais au lieu de s’en tenir à cette histoire révolue, Viande froide s’inscrit aussi le présent et le devenir d’un lieu en pleine restructuration – celui du « Cent-Quatre », un important projet de centre d’art qui ouvrira ses portes fin 2008.
À travers les voix croisées des ouvriers travaillant sur le chantier, des anciens employés des Pompes Funèbres, des artistes qui y seront prochainement reçus en résidence, Olivia Rosenthal interroge, sur le mode caustique qui la caractérise, et parfois de façon un peu décalée, le rapport que nous entretenons avec notre lieu de travail, avec nos collègues, avec les étrangers, avec la mémoire de lieux qui n’existent plus – ou ceux qui n’existent pas encore –, avec les « trous », avec les animaux, avec la mort des autres et avec la nôtre propre. Comme le titre ne l’indique pas, Viande froide a été rédigé à partir d’entretiens qui ont conforté l’auteur dans l’idée que les murs ont des oreilles et que, pour essayer de parler de l’architecture d’un bâtiment, le mieux est peut-être d’écouter les mots, les récits, les anecdotes, les histoires personnelles et souvent douloureuses, dont, durant toutes ces années et aujourd’hui encore, ces murs ont pu être les témoins.
Olivia Rosenthal a publié sept récits aux éditions Verticales dont Puisque Nous sommes vivants (2000), et Les Fantaisies spéculatives de J.H. le sémite (2005). On n’est pas là pour disparaître (2007), son dernier livre, a été sélectionné dans plusieurs prix (Prix Goncourt, Goncourt des Lycéens, sélection France-Culture-Télérama, Livre inter) et a obtenu le Prix Wepler et le prix Pierre Simon (« Ethique et société »). Elle écrit également pour le théâtre. Sa première pièce, Les Félins m’aiment bien (Actes Sud-Papiers), a été créée dans une mise en scène d’Alain Ollivier au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis en janvier 2005. Depuis, elle a réalisé en collaboration avec Olivier Ducastel (cinéaste), Denis Lachaud (écrivain) Michaël Batalla (plasticien), ou Robert Cantarella (metteur en scène) plusieurs performances dans divers lieux et festivals (festival d’Avignon ou de Manosque, Ménagerie de verre, Subsistances de Lyon, Lieu Unique à Nantes, Scène nationale de Poitiers, Théâtre National de Bordeaux Aquitaine). Elle vient d’achever une pièce de théâtre, Les Lois de l’hospitalité, qui a été mise en scène par Marie Vialle et créée aux Subsistances à Lyon en avril 2008.
(extrait)
« Le 26 mai, j’assiste à une discussion entre le fils d’un garagiste et un ancien carrossier des Pompes funèbres dans les bureaux du 104. Ils débattent des mérites comparés des différentes marques de voiture et m’apprennent que lors de l’enterrement de monsieur Renault le corbillard était une Citroën qu’ils ont dû maquiller pour ne pas choquer la famille. »
Site du Cent-Quatre
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