L’Anus solaire a été publié pour la première fois,
illustré de pointes sèches d’André Masson, à 100
exemplaires aux Éditions de la Galerie Simon, en
1931. Il a cependant été écrit par Georges Bataille
en janvier 1927. À très peu près donc, L’Anus solaire
est le premier livre de Bataille. Il a d’ailleurs été
écrit en même temps qu’Histoire de l’œil dont il a
le caractère d’excès, la « joie fulminante », et le ton
de poésie puérile (le mot est à entendre au sens
où Georges Bataille l’a toute sa vie employé : au sens la
littérature est essentiellement enfantine).
Pour autant, ce n’est pas un récit. Un poème ?
Le surréalisme n’est certes pas loin, avec lequel
Bataille n’a pas encore tout à fait commencé
de se quereller. Un poème en effet et en ce sens,
mais un essai aussi bien. Les visions abondent,
sombres ; elles semblent en appeler à la possibilité
d’une apocalypse (à son désir aussi). Des visions
sexuelles, de façon prédominantes, mais d’un
sexualisme tellurique (d’un pan-sexualisme).
Toutes les grandes représentations à venir de
Bataille autour de l’énergie excédante, de la
dépense, etc., y sont déjà présentes, mais elles
sont ici encore chargées de terreur. Terreur dont
cette phrase entre autres témoigne qui a servi de
bulletin de souscription pour ce livre : « Si l’on
craint l’éblouissement au point de n’avoir jamais vu
[…] que le soleil était écœurant et rose comme un
gland, ouvert et urinant comme un méat ; il est peut-être
inutile d’ouvrir encore, au milieu de la nature,
des yeux chargés d’interrogation. »
L’Anus solaire n’a jamais été republié séparément
depuis (seule édition, disponible : dans le vol. 1 des
Œuvres complètes en 12 volumes aux Éditions Gallimard)
Il en va de même pour Sacrifices qui a été publié
pour la première fois en décembre 1936, aux
Éditions GLM, accompagnant cinq esquisses pour
Sacrifices, album d’eaux-fortes d’André Masson.
Les « esquisses » de Masson avaient été exposées
trois années plus tôt, du 13 au 25 juin 1933 à la
Galerie Jeanne Bucher. Le livre aurait d’ailleurs dû
être publié à cette occasion.
Sacrifices est donc de quelques années plus
tardif. Le livre s’en ressent qui penche moins vers
la poésie et plus vers la pensée. Pensée d’une bien
étrange sorte cependant, sombre, taciturne autant
que l’était la poésie de L’Anus solaire. Un pas y a été
fait cependant ; un « moi » s’y est constitué ; pénible
constitution, aléatoire : tout aurait voulu qu’un tel
« moi » n’existât pas (tout lui dispute l’existence en
effet). C’est avec lui cependant qu’il va falloir faire
l’expérience de la pensée. Texte admirable, tendu,
très « jeune » encore, c’est-à-dire antérieur aux
grandes élaborations théoriques par lesquelles
Georges Bataille s’est fait connaître.
Ce livre aussi n’a jamais été republié en volume
séparé (lui aussi existe dans le seul vol. 1 des
Œuvres complètes). Nous les réunissons pour la
première fois.