Amérique – avec ou sans s ? Amerigo Vespucci n’a jamais débarqué en d’autres terres que celles d’Amérique du Sud. Mais l’Amérique, depuis quatre siècles, a su créer le mythe d’un nouveau territoire. Le Nord a emprunté son nom au Sud, et l’Amérique se dessine comme un lieu imprécis vu du Vieux Continent. Entre Los Angeles et New York, et du Nunavut au Texas, hommes et femmes ont fait de l’Amérique une terre propice à l’errance, au mixage des flux, au cri, au silence, à « tout ce par quoi se manifeste une pensée ou un désir surhumains », comme le dirait Jean-Jacques Lebel. Mais ce dernier a aussi raison de s’opposer à la réduction des artistes à un drapeau, à une identité fixe. Certains des plus grands artistes venus d’Amérique depuis cinquante ans sont peut-être ceux qui ont su le mieux résister à l’emprise d’une appartenance nationale.
Quelle Amérique accoste-t-on, par exemple, avec Burroughs et Giorno ? On lira qu’ils sont l’anti-Amérique, et que celle-ci a une voix, des accents beat, une génération dont Polyphonix est un écho libre d’invention et de mouvement. Mouvement est un mot qui reviendra souvent au fil de ces pages − mouvement des danseurs, des acteurs, des voyageurs, des trains, des images, des fleuves, des nuages... Il faut donc entendre ici Amérique comme un mot mobile − comme ce territoire incertain, à la fois utopique et catastrophique, qu’interrogèrent en leur temps Kafka et Varèse.
Jouant des distances avec les œuvres, comme pour célébrer les grands espaces, le Festival d’Automne, en partenariat avec le Jeu de Paume, invite Vertigo à honorer le cinéma méconnu de James Benning et celui du Canadien Guy Maddin, que tout semble opposer sauf le désir de ne pas en finir avec leurs origines et celles de leur art. Ce nouveau partenariat avec le Festival est encore l’occasion pour nous de sortir des frontières du cinéma : d’écouter avec une curiosité renouvelée (« new music : new listening » !) Frederic Rzewski et Morton Feldman, de suivre les pas de Merce Cunningham, ou de partager les visions de Bob Wilson et de Gary Hill.
Une nouvelle fois, le Festival et Vertigo ne pouvaient que mieux s’accorder autour de ces figures qui font l’histoire de l’Amérique, pile et face, l’histoire du Festival, et la nôtre, éperdument en zone libre.
Sommaire
Amérique
- Merce Cunningham
- Les États-Unis au Festival d’Automne
Entretien avec Marie Collin, Alain Crombecque et Joséphine Markovits
- L’espace saute sur place
Merce Cunningham
BERNARD RÉMY
- Vidéocunningham
CYRIL BÉGHIN
- Arrêts du corps, continuité des mouvements
Autour de 50 ans de danse de Boris Charmatz
SÉBASTIEN RONCERAY
- L’opéra de BW
Robert Cantarella
ROBERT CANTARELLA
- Vieux crocodiles, basket-ball et autres chinoiseries
Le Wooster Group : une esthétique de la confrontation
JULIEN FISERA
- Le poète qui ne dort jamais
ÉMERIC DE LASTENS
- La première Superstar
Entretien avec John Giorno
on my 70th Birthday in 2006
JOHM GIORNO
- Polyphonix, le souffle et le rhizome
Entretien avec Jean-Jacques Lebel
- Espace et temps de Varèse
JONATHAN W. BERNARD
- Quand écouter c’est voir
Dialogue entre les oeuvres de Gary Hill et d’Edgard Varèse
JEANETTE ZWINGENBERGER
- Un poème V-LC dans l’eXtomac
PHILIPPE FAUVEL
- More Light
Sur Morton Feldman
LAURENT FENEYROU
- Frederic Rzewski
JOHN ROCKWELL
- Guy Maddin
Le cinéma fantôme de Guy Maddin
LORENZO RECIO
- « Je serai toujours un primitif »
Entretien avec Guy Maddin
- Du Salon XXI - Une lettre sévère proposant un manifeste en quatre points pour de meilleurs films
GUY MADDIN
- La texture de l’enfance
Des trous dans la tête ! (2005) et My Winnipeg (2007) de Guy Maddin
MARCOS UZAL
- James Benning
The James Benning Experience
STEPHANE AUDEGUY
- Outsider
Entretien avec James Benning
- Beginning Benning
Voyage à Benning (with Robert Smithson on my Mind)
CARLOS MUGUIRO
- Life is finite
JAMES BENNING
- L’étendue qui dure
YANNICK HAENEL
- RR JB
ALLAN SEKULA