Essais
MODERNES SANS MODERNITÉ
À la phrase fameuse de B.Latour – suivant laquelle « nous n’avons jamais été modernes » –, Pierre-Damien Huyghe, rappelant la parenté lexicale entre « modernisation » et « modification », oppose l’idée que nous avons au contraire toujours été modernes, car les humains, faits pour vivre de techniques, inventent sans cesse et peuvent ainsi indéfiniment toucher à leurs conditions de vie.LA STRUCTURE PSYCHOLOGIQUE DU FASCISME
Première publication séparée de l’article paru en 1933 dans La Critique sociale. Georges Bataille décrit le caractère inéluctable de la guerre à venir, en faisant usage de la sociologie durkheimienne (touchant au « sacré »), de la phénoménologie allemande et de la psychanalyse freudienne. Texte suivi d’une analyse de Michel Surya.LE PRINCIPE D’UNIVERSITÉ
Le « principe d’Université » est celui qui fonde historiquement l’Université comme lieu de l’exercice inconditionnel, libre et public de la pensée. Or les universités sont aujourd’hui en proie à des mesures de « rupture » à courte vue, menées brutalement par des « nouveaux décideurs » , qui vont à l’encontre de ce principe fondamental. Le philosophe Plínio Prado nous rappelle que l’Université est en outre le lieu « où la société se pense et où l’avenir se forge » : à ceux de ses acteurs qui refusent de se soumettre aux directives du libéralisme mondial (dont résultent les mesures gestionnaires actuelles), il ne reste donc qu’à résister.ÉDITION, L’ENVERS DU DÉCOR
Contrairement à l’idée toujours répandue, l’édition n’est plus une activité artisanale concentrée dans le Quartier Latin. Martine Prosper, secrétaire générale du Syndicat national Livre-Édition CFDT, décrit une situation bien plus diverse et contrastée, où, sous couvert de « prestige du métier », des pratiques sociales d’un autre temps se donnent libre cours .TOUS COUPAT TOUS COUPABLES
À partir de l’affaire dite « de Tarnac » et de l’accusation de terrorisme faite à Julien Coupat, le philosophe Alain Brossat interroge le rapport qu’entretient notre société démocratique avec la violence : Qu’est-ce qui est violent ? L’émeute qui a embrasé une cité de banlieue suite à une « bavure » policière – ou l’action policière elle-même ? une occupation d’usine accompagnée de quelques saccages – ou le licenciement collectif qui l’a précédée ? une attaque de banque – ou les escroqueries en grand commises par des prédateurs de haut vol comme Kerviel ou Madoff ?L’HYPOTHÈSE COMMUNISTE
« L’hypothèse communiste revient à dire que le devenir de l’humanité n’est pas condamné à la domination planétaire du capitalisme, aux inégalités monstrueuses qui l’accompagnent, à l’obscène division du travail et à la « démocratie » qui est, de tout cela, le concentré étatique, organisant en fait le pouvoir sans partage d’une oligarchie très étroite. »QU’APPELLE-T-ON PENSER AUSCHWITZ ?
La singularité du crime nazi dans l’Histoire est aujourd’hui connue sous le nom d’Auschwitz. Mais qu’en est-il exactement de cette singularité, qu’en est-il de la pensée de cette singularité ? Le propos de cet ouvrage est d’interroger des textes théoriques contemporains – philosophique, mathématique, psychanalytique, idéologique – dans lesquels est abordée, sous une forme ou une autre, la question de la singularité d’Auschwitz.LA RÉACTION PHILOSÉMITE
Sans aucun doute, le premier livre à s’attaquer avec exactitude et justesse à la violente campagne pseudo-« philosémite », dans laquelle Yvan Segré lit les traits d’une trahison politique (qu’il qualifie ici de « réactionnaire ») et non ceux d’une fidélité à l’universalisme juif. La Réaction philosémite, ou La trahison des clercs est l’ouvrage d’un logicien hors pair, que double, de bout en bout, un ironiste rare. Ivan Segré vit en IsraëlL’ALTÉRATION DU MONDE
De la philosophie, oui, et de la plus pure. Et pourtant : il y a dans ce livre une vitesse, une puissance d’affirmation, une brutalité presque, aussi peu professorales que possible. Il y a beau y être question de Heidegger, Merleau-Ponty, Levinas, etc., c’est de Bataille, dont il y est davantage question encore, que ce livre tire ces qualités rares, et fort prometteuses. Un Bataille comme il n’a pas encore été lu ou pas assez et pas assez radicalement – pas assez radicalement en philosophe, le philosophe qu’il fut, le fût-il sur un mode « extravagant ». Croyait-on connaître cette œuvre, on la découvre encore.TOUS COUPAT TOUS COUPABLES
La campagne qui s’est développée en faveur des inculpés de Tarnac est portée par un si vif et si constant désir d’innocence, de si persistantes références à la légalité, à l’inoffensive innocence des inculpés qu’il apparaît très distinctement que, pour l’essentiel, le référent démocratique indistinct continue à obscurcir la perception du présent politique de ceux qui s’y trouvent mobilisés.L’HOMME SANS
Martin Crowley enseigne à l’université de Cambridge (U.K.). Il est un connaisseur particulièrement attentif de la pensée française contemporaine. Poursuivant le travail entrepris dans Robert Antelme, L’humanité irréductible (Lignes, 2004), il propose ici rien moins que la formation d’un néo-humanisme, ou d’un humanisme post-humaniste, fondé sur « l’homme sans », homme dont l’ontologie est négative, que définit ce qu’il n’est pas. Cet essai inaugure la collection « Fins de la philosophie », dirigée par Michel Surya.PENSER AGIR
À l’heure où une véritable gauche de combat prend corps (le congrès fondateur d’un « nouveau parti anticapitaliste » est prévu en janvier 2009), Daniel Bensaïd propose sa réflexion sur les évolutions de la « gauche de gauche » intervenues depuis la chute du mur de Berlin et qui ont conduit à sa présente « recomposition ». Penser, Agir explicite les raisons qui ont poussé la LCR à décider de sa dissolution et pose des jalons pratiques et théoriques pour le nouveau parti.ANDRÉ GORZ ou Le socialisme difficile
Mort le 22 septembre 2007, le philosophe André Gorz a laissé une œuvre critique d’une grande clairvoyance. Dans le présent texte d’hommage, Arno Munster nous invite à explorer l’itinéraire de pensée et de vie de celui que l’on considère, à raison, comme le principal fondateur de l’écologie politique.1968 FINS ET SUITES
La réduction rétrospective du mouvement de Mai à une volonté de libération anti-autoritaire et de modernisation des mœurs constitue une lecture dépolitisée et dépolitisante. Chaque anniversaire de 1968 a contribué à ce « polissage ». Daniel Bensaïd et Alain Krivine s’appliquent, dans le présent essai, à montrer en quoi l’esprit de révolte n’est pas moins nécessaire aujourd’hui qu’alors.ÉLOGE DE LA DÉMOTIVATION
Que le travail nous soit présenté comme une « valeur » (morale), alors même que sa valeur véritable n’a jamais été aussi faible relève de l’artifice grossier. À l’heure ou le capital global semble être venu à bout de tous les obstacles extérieurs qui l’entravaient encore, c’est un facteur interne qui vient le menacer : la désaffection croissante de ses « ressources humaines ». Si le développement du capitalisme a pour condition primordiale la motivation de ses « agents », alors, pour les adversaires de ce développement, la démotivation est une étape nécessaire.BOUFFON IMPERATOR
À rebours d’une actualité toujours davantage soumise au rythme des déclarations officielles ou officieuses, des faux scoops et des provocations millimétrées, le philosophe Alain Brossat a pris le temps de disséquer, chaque jour, pendant 100 jours, les faits et les paroles de « Bouffon imperator » et de son entourage. Faits et paroles symptomatiques d’une « décomplexion » proche de l’arrogance, dont on souhaiterait qu’elle demeure cantonnée au registre de la simple fiction.DIALOGUE
Analyse de Jean-François BertInédit. Deux philosophes que tout semble séparer (l’âge, l’histoire, l’engagement) dialoguent. Raymond Aron vient de faire paraître Les Étapes de la pensée sociologique. C’est sur ce livre que devait porter l’entretien ici retranscrit pour la première fois. Or, c’est au contraire autour de celui que Michel Foucault vient de publier, Les Mots et les Choses, que s’organise la conversation.
DE QUOI SARKOZY EST-IL LE NOM ?
Les détracteurs du « gouvernement Sarkozy » devront s’y résoudre : ce n’est pas plus dans l’examen de la personnalité de son « chef » que dans le compte des ralliements qu’il suscite qu’ils trouveront le moyen d’en précipiter la chute.Le philosophe Alain Badiou pose que, face à la brutalité (historiquement inscrite et idéologiquement fondée) des lois actuelles, la gauche ne peut qu’assumer à son tour l’héritage de ses valeurs essentielles, celles que le gouvernement et ses amis se plaisent à désigner comme obsolètes, irresponsables, ou même dangereuses. Ce n’est qu’ainsi qu’une véritable politique d’émancipation pourra à nouveau émerger.