Lignes s’est, depuis 27 ans, attaché à revisiter et reconsidérer les généalogies intellectuelles dominantes. Faisant toute leur place aux œuvres marginales ou mineures (et à leurs auteurs), en tout cas considérées comme telles par les œuvres en revanche considérées comme « majeures » ou canoniques (et leurs auteurs). Une autre histoire s’est ainsi dessinée, qui n’a certes pas cherché à discréditer les « grandes » œuvres, mais qui a mis en lumière de plus « petites ». Pour autant pas moins essentielles ni exemplaires.
Jean-Noël Vuarnet (1945-1996) incarne on ne peut mieux un tel cas de figure, dont l’œuvre, brève (il s’est suicidé à 51 ans), n’est ni assez connue ni assez citée. Réparation donc à celle-ci, significative des années 1970-80, tantôt littéraire (4 titres, dont le premier paru au Seuil en 1976 et le dernier chez Gallimard en 1995), écrite dans la proximité et l’amitié de Maurice Roche, Novarina, Laporte, Prigent, etc. (Personnage anglais dans une île a été réédité chez Lignes/Léo Scheer en 2005) ; tantôt « philosophique », écrite dans celle de Klossowski, Deleuze ou Lacan, auxquels l’amitié le liait.
Philosophique est ici mis entre guillemets parce que c’est sans doute là que l’apport de cette œuvre est, sinon le plus manifeste, au moins le plus remarquable. Proche de Deleuze, il ira plus loin que lui dans la lecture et l’interprétation de tous ceux qui l’ont mise en crise ; s’appuyant sur Nietzsche essentiellement, mais aussi bien sûr Giordano Bruno, Nicolas de Cuse, Rousseau, Kierkegaard, Bataille et Klossowski (certainement le plus proche de lui, avec lequel l’échange aura été le plus riche et le plus profond). Deux livres considérables en ont résulté : Le Discours impur (Galilée, 1972) et Le Philosophe-artiste (1re édition : 10/18, 1977 ; rééd., Lignes/ Léo Scheer, 2004). Plusieurs des études réunies par ce numéro leur sont consacrées.
La seconde partie de son œuvre, encore aujourd’hui la plus connue, s’intéresse à la mystique, comme on pouvait le déduire de l’intérêt qu’il avait montré jusque-là pour les expériences de pensée « irrégulières ». Extases féminines (Arthaud, 1980 ; rééd., Hatier, 1991) a posé les jalons d’une interprétation des phénomènes mystiques dont la psychanalyse s’est nourrie depuis. Le Dieu des femmes (L’Herne) complète cette partie de l’œuvre, sur laquelle plusieurs des textes de ce numéro se penchent.
Le numéro reprend pour finir 5 textes introuvables de Jean-Noël Vuarnet, représentatifs de cette œuvre ; un texte de Klossowski sur celle-ci ; et une première bibliographie.
Ce numéro paraît à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort. La Chute de la maison Tripier reparaîtra également en mars aux éditions Incorpore.
Textes sur Jean-Noël Vuarnet de :
Michel Surya, Thierry Tremblay, David Amar, Michèle Cohen-Halimi, Alain Jugnon, Meritxell Martinez, Miguel Morey, Mathilde Girard, Jacques Sojcher, Gérard Pommier, François Brémondy, et Pierre Klossowski.
Cinq textes de Jean-Noël Vuarnet
Bibliographie
Table
Sur Jean-Noël Vuarnet
- Michel Surya, Du mauvais maître…
- Thierry Tremblay, Entre transcendance et abîme
- David Amar, Cinq esquisses pour un portrait
- Michèle Cohen-Halimi, Duplicité perdue ?
- Alain Jugnon, D’une inconvenance
- Meritxel Martinez, Jean, Jeanne, Jane, sweet Jane
- Miguel Morey, E la nave va…
- Mathilde Girard, Leur gardien
- Jacques Sojcher, Le neveu des saintes !
- Gérard Pommier, « Parce que nous sommes des poètes… »
- François Brémondy, Réflexions sur l’extase
De Jean-Noël Vuarnet
- Métamorphoses de Sophie (1972)
- Utopie et atopie (1976)
- Massacre des femmes (1977)
- Trois fragments pour Pierre Klossowski (1978)
- Derechef, du discours impur (1995)
Annexes et bibliographie
- Pierre Klossowski, Du Philosophe artiste aux Extases féminines
- Les amis de nos amis
Numéro conçu et réalisé par Meritxell Martinez et Michel Surya.