Réédition au format poche de l’ouvrage épuisé initialement paru en 2007.
À en juger par le nombre à tous égards exceptionnel d’interprétations qui en ont été tirées, l’œuvre de Kafka est et reste la plus énigmatique de ce xxe siècle qu’elle
a littérairement et philosophiquement bouleversé. Ce n’est pourtant pas faute que Kafka ait lui-même livré des clés : dans ses livres, certes, mais plus encore dans son journal, et dans sa correspondance. Mais qu’advient-il si ces clés sont elles-même énigmatiques ? Qu’advient-il si elles sont moins faites pour conférer un sens qui manquerait qu’approfondir la défaillance de tout sens ?
On sait de quelle importance est l’œuvre de Kafka pour Félix Guattari. Il a, avec Gilles Deleuze, écrit et signé en 1975 un livre – Kafka – qui a fait date dans son étude ; mettant en place des concepts aussi déterminants que le « bégaiement », la « littérature mineure », etc. Félix Guattari a toutefois éprouvé le désir de revenir sur cette œuvre une quinzaine d’années plus tard. Partant cette fois, et c’est ce qui fait la singularité du livre que nous publions aujourd’hui, davantage du Journal et de la Correspondance (entre autres, avec Felice Bauer, qu’il tient pour son chef d’œuvre) que des récits ; et choisissant cette œuvre dans l’œuvre, ce récit dans le récit, cette énigme dans l’énigme, comme cachés dedans, qu’y sont les rêves. Pour Guattari, les textes du Journal et de la Correspondance ont une portée littéraire égale à celle de ceux qui composent l’œuvre proprement dite de Kafka.
Description ? Interprétation ? Oui, mais pas seulement. Il n’y a pas lieu de parler ici d’une tentative de psychanalyse ; bien plutôt de montrer comment les rêves de Kafka échappent tant aux sciences psychanalytiques freudiennes encore naissantes à son époque qu’à leur développement ultérieur, au profit de la libre prolifération de l’imaginaire, telle que l’œuvre le recueille et l’accomplit.
Le présent volume, préfacé par Stéphane Nadaud, est composé des textes suivants :
1. 65 rêves de Kafka. Daté de 1985. Paru dans Le Magazine littéraire, « Kafka le rebelle », n° 415, décembre 2002, pp. 57-62.
2. Procès et procédés. Rédigé en février 1984. Publié dans « Le siècle de Kafka », catalogue de l’exposition Kafka su 7 juin au 1er octobre 1984 au Centre Georges Pompidou. Repris dans Les années d’hiver, Barrault, 1985, pp. 264-271. NB : le texte est, dans le fonds de l’IMEC, titré différemment : « Diabolique en toute innocence : procès et procédés kafkaïens ». L’expression « diabolique en toute innocence », empruntée à Kafka, est longuement analysée par Deleuze-Guattari dans leur Kafka, p. 58 et suivantes.
3. Kafka’s Band. Rédigé au début de 1984, pour
le journal publié à l’occasion de l’exposition au centre Georges Pompidou.
4. Projet de film “de Kafka”. Description inédite du projet et des scènes. Non daté.
« Là où l’interprétation freudienne s’arrêtait – devant ce que Freud désignait commme “l’ombilic du rêve” –, tout commence pour Kafka. »
Félix Guattari
Paru dans la même collection :
ECRITS POUR L’ANTI-OEDIPE (également présenté par Stéphane Nadaud)