Quand Wilhem écrit sur Blanchot, Paulhan, Duras, Bataille, il évoque des proches, reforme la constellation des textes qui rendent possible la pensée rapide, vivante, précieuse de ce court essai. Leurs auteurs revivent dans l’exposé érudit des désaccords, grands ou petits, qui les animaient et qui animent toujours leurs œuvres. Ces désaccords sont autant d’intrigues littéraires que Wilhem noue avec art.
Extrait : « En 40, Abetz, que l’occupant vient de nommer ambassadeur à Paris, lance ces mots redoutables : “Les militaires ne comprennent rien. Il n’y a eu en France que trois puissances : les catholiques, le communisme et La Nouvelle Revue Française. Commençons par la revue de Paulhan.” Quelques jours plus tard, la revue est “saisie“. L’ambassadeur la met dans les mains de Drieu. Il tente de remettre ces mains tendues dans celles de Blanchot. Il reçoit des comités dont personne ne veut. Il tourne autour de Paulhan, qui feint de s’en aller. Il croise Blanchot, qui se méfie, qui finalement s’en va. »
« Blanchot critique Paulhan, Bataille, Klossowski, Mascolo, Duras, Brecht. Il ne les commente pas. Il ne les interprète pas non plus. Il les rencontre, les contourne, les croise, les surprend, les devine, les lâche, les oublie, les retrouve, les restitue. Et toujours, quand le moment de rompre est venu, quand un autre entretien commence, il les cite, il se relève pour écrire, il replonge dans ses livres. On revient ici sur des lectures ou des relectures de Blanchot qui sont nées d’un choc, d’un étonnement, d’une complication, d’un scandale ou d’un silence. On se garde bien, finalement, de dénouer les intrigues du critique qui se joue, qui s’inquiète d’un rire, d’un vouvoiement, d’une préface déplacée, d’un refus de fortune, d’une lettre de rupture, d’une scène de séduction.
Blanchot n’est pas le témoin du lecteur qu’il faudrait guider dans le noir. Il n’agite pas des cribles pour évaluer, pour séparer les livres, pour réduire la chose lue en poussière. Il fait de la lecture une intrigue, sans roman, sans drame, parce qu’il ne veut rien donner à lire. Il reste sur la voie oblique. Il tient au secret ce qu’il lit. Il affirme : “Le lecteur ne peut savoir ce qu’il sait, et il sait plus qu’il ne sait”. »
D.W.