« “On me demande souvent : où en est le monde arabe et ses révolutions ?” Je retourne alors la question : “Et vous, en Europe, où en êtes-vous avec la révolution ?” » Loin, très loin, infiniment loin, aurait-on envie de répondre à Tariq Teguia, dont la question, tout comme le dernier film, Revolution Zendj, ne peut manquer de nous renvoyer à cette dimension du présent qui nous échoit : l’éclipse du politique. Éclipse dont on connaît les manifestations les plus saillantes : extinction des grandes formes de la tradition contestataire, dévaluation des termes mêmes qui en soutenaient la pratique et l’imaginaire, atomisation et fragilité des mouvements tenant lieu aujourd’hui de contre-pouvoirs. Mais aussi : règne de la « consensualité heureuse » qui voudrait que le politique soit désormais devenu sans raison d’être et s’annule de lui-même.
Quels rapports le cinéma qui se fabrique aujourd’hui entretient-il au politique – à son évanouissement et à ses persistances ? Dans quelle mesure certains films contemporains – ceux de Benoît Forgeard, les derniers films de Jim Jarmush, de Virgil Vernier… – le mettent-ils en jeu, tentent d’exposer le néant, les démissions et inerties qu’implique son déni. Comment d’autres cherchent-ils, au-delà de la Méditerranée et à rebours de la fiction du « postpolitique », à rendre compte des formes d’agir et d’exister attestant encore et toujours de sa puissance ?