Les trois parties qui composent L’Avant-garde inacceptable abordent la question des liens qui unissent l’art et la politique, à la lumière de ce qui tint peut-être lieu d’ultime avant-garde de l’art moderne : le mouvement situationniste initié par Guy Debord.
Le premier chapitre, « Politique du spectacle et spectacle de la politique » revient utilement sur les confusions qu’a pu entrainer le « retour » en popularité de l’œuvre de Guy Debord. Alors que ce dernier produisit la critique imparable de la société et de la politique comme spectacle, il n’est pas rare de le voir à présent cité dans une version appauvrie (domestiquée), à la télévision même, sorte d’ornement pseudocritique servant d’appui à une nostalgie de la « Politique ». Mais pour Debord, rappelle Anselm Jappe, politique ET spectacle résultent d’un fétichisme de la marchandise, cause de la crise moderne.
Le deuxième, « La Fin de l’art chez Theodor Adorno et Guy Debord » montre de quelle façon, à partir du même constat de la crise de l’art dans son ensemble, ces deux auteurs aboutissent à des conclusions opposées : pour Guy Debord, à la nécessité de réaliser dans la vie ce qui jusqu’alors était promis dans l’art (négation des limites de l’art, donc, conçue comme le moyen de perpétuer son rôle critique) ; pour Adorno, au contraire, la fonction critique de l’art doit être garantie par la séparation de l’art d’avec le reste de la vie.
Anselm Jappe s’interroge enfin sur le situationnisme comme « dernière avant-garde ». Affirmation absurde, si l’on sait que les prétendues avant-gardes des années 1960 furent ignorées, voire méprisées par ce mouvement. Mais vérité paradoxale, au sens ou Guy Debord a porté à sa conclusion logique la trajectoire historique des avant-gardes.