Cet essai réjouissant et irrévérencieux, dont l’auteur, Guillaume Paoli, est l’instigateur du mouvement allemand des « chômeurs heureux », forme d’abord le constat suivant : le travail est une pathologie à ce point répandue qu’elle en passerait inaperçue, si les symptômes qu’il provoque ne finissaient pas eux-mêmes par entraver la bonne marche des affaires et l’efficacité de ses agents (suicides au travail, dépression, etc.). Appuyant ses propos sur l’analyse historique des grandes doctrines économiques industrielles passées (fordisme, taylorisme, capitalisme), Guillaume Paoli s’attache à la description clinique des dégâts causés par la dernière en date de ses évolutions : le libéralisme capitaliste mondialisé, ou « néolibéralisme ». La « modernité » de l’exploitation tient en particulier au fait qu’elle exige aujourd’hui le plein assentiment de ses agents (quand ses formes antérieures se contentaient de leur force musculaire) : c’est ce que Paoli appelle ici la « motivation ». Cette motivation, pierre angulaire de toute espérance de rentabilité, doit habiter chaque individu profondément pour produire son résultat optimal. Ce texte, qui pousse très loin la démonstration par l’absurde, devrait ravir la fraction des lecteurs qui ne se reconnaît nullement dans le discours loufoque prononcé par le ministre français de l’économie devant l’assemblée, en juillet dernier (« C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé maintenant. Retroussons nos manches ! » – loufoque, s’il n’était pas précisément prononcé par un ministre de l’économie bien réel.
1. POURQUOI FAIT-ON QUELQUE CHOSE PLUTÔT QUE RIEN ?
2. MARCHÉS OBLIGATOIRES
3. L’ENTREPRISE VEUT VOTRE BIEN
(NE LUI DONNEZ PAS)
3. LA DROGUE TRAVAIL
4. LES MÉTAMORPHOSES DU FÉTICHE
5. ANNULATION DE PROJET
Guillaume Paoli réside à Berlin. Inspirateur du très populaire mouvement des « chômeurs heureux », apparu en Allemagne en 1996, il suggère que soient récompensés ceux qui, grâce à leur non-travail, contribuent à la « rationalisation » et à « l’assainissement » des entreprises. Il a publié le Manifeste des chômeurs heureux aux Éditions Chien Rouge en 2007.
Ses textes ironiques et documentés s’inscrivent dans le droit fil du Droit à la paresse de Lafargue, et trouvent de nombreuses similitudes avec le film Pierre Carles : Attention danger travail, ainsi qu’avec l’ouvrage Manifeste contre le travail du groupe Krisis (Lignes, 2002).
ÉLOGE DE LA DÉMOTIVATION
En librairie le 14 mars 2008
Que le travail nous soit présenté comme une « valeur » (morale), alors même que sa valeur véritable n’a jamais été aussi faible relève de l’artifice grossier. À l’heure ou le capital global semble être venu à bout de tous les obstacles extérieurs qui l’entravaient encore, c’est un facteur interne qui vient le menacer : la désaffection croissante de ses « ressources humaines ». Si le développement du capitalisme a pour condition primordiale la motivation de ses « agents », alors, pour les adversaires de ce développement, la démotivation est une étape nécessaire.