USA PATRIOT act :
Uniting and Strenghtening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism *
* « Unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils nécessaires à l’interception et à l’obstruction du terrorisme »
Le 25 octobre 2001, six semaines après les attentats du 11 septembre, le Congrès et le Sénat américains approuvaient à une écrasante majorité un corpus de lois connues sous l’acronyme : USA PATRIOT Act. Ces mesures d’exception sont l’œuvre de l’ex-ministre de la Justice, John Ashcroft ; George W. Bush les a ratifiées le 26 octobre 2001.
Fait sans précédent, il n’y eut aucun débat public autour du projet de loi. La plupart des représentants et sénateurs avouèrent avoir voté les 342 pages du document sans même les avoir lues. Dorénavant, aux USA, l’ordre exécutif propose et la branche législative se contente de disposer, au lieu de remplir son rôle régulateur. Résultat : le USA PATRIOT Act relève du décret. Un engrenage est en place vers l’état d’exception.
Sous prétexte d’accroître la sécurité des citoyens, le USA PATRIOT Act, qui comporte plusieurs articles anticonstitutionnels, restreint sévèrement leurs droits civiques et enfreint leur liberté individuelle. La parole n’est plus libre et le secret de la conscience n’est plus protégé : ces protections balayées, l’effet de l’USA PATRIOT Act est de transformer les opinions critiques en prises de positions « antipatriotiques ». Présentées dans un discours à la fois prolixe et abscons, ces véritables lois d’exception – entérinées dans une atmosphère de peur et de paranoïa – rebutent jusqu’au lecteur légiste. Lorsque ce subterfuge par obscurantisme est renforcé par un optimisme aussi arrogant qu’aveugle, l’opinion est victime de sa propre masculation.
Le USA PATRIOT Act n’est pas uniquement le symptôme d’une psychose post-11-Septembre frappant les habitants des États-Unis. Il n’est pas la simple contrepartie « domestique » des mesures de sécurité qui, dans l’espoir dément d’éradiquer des incarnations du Mal, visent les clandestins et, éventuellement, les touristes étrangers à leur arrivée sur le territoire des États-Unis. L’USA PATRIOT Act est aux Américains ce qu’est Guantánamo pour tous les autres. Mais il faut l’ajouter, c’est, en acte, l’inique Nouvel Ordre Mondial prédit par Ronald Reagan.
Cela signifie qu’au-delà des signes d’une chape néo-impériale ou néo-coloniale made in USA et qui recouvre le monde, l’USA PATRIOT Act et l’état d’esprit qui le produit sont à double tranchant. Il y a fort à parier (et à craindre) que cet esprit et ce genre de loi qui suspend la loi gagnent s’étendent à d’autres pays. Le caractère des projets de lois anti-terroristes en Grande-Bretagne en est un exemple ponctuel et spécifique.
Or, une amorce de résistance existe aux USA.
Il y a celle de certains organismes historiques, comme l’ACLU ou relativement nouveaux, comme moveon.org. Cette résistance bouillonne aussi au cœur de ce monde d’information que les services secrets se hâtent de scruter et de contrôler pour justifier leur propre existence : « Homeland Security » cible spécifiquement et avec acharnement les bibliothèques municipales et universitaires parce qu’elles sont une source particulièrement riche d’informations sur la conscience privée et ses intentions. Tout ce pour quoi les individus emploient les bibliothèques – lectures d’été ou recherches scientifiques et approfondissement de la connaissance – laisse des traces qui intéressent l’État au plus haut point. Les bibliothécaires le savent et risquent jusqu’à la prison s’ils protègent la confidentialité des usagers.
Ce n’est pas la première fois que les bibliothécaires américains et leurs alliés se mobilisent pour défendre les droits de l’individu. Le présent ouvrage rappelle l’histoire peu connue de la résistance des bibliothèques américaines durant la Guerre Froide, le maccarthysme et le « Civil Rights Movement ».
Il explore également le rapport entre le USA PATRIOT Act et la pensée de Carl Schmitt. Enfin, il tente de déterminer si le USA PATRIOT Act peut rester une exception (et donc disparaître un jour) ou si le monde est voué à suivre à jamais sa « Règle ».
Critique et traducteur, Robert Harvey est professeur de littérature comparée et de philosophie à l’université de l’État de New-York à Stony Brook et Directeur de Programme au Collège International de Philosophie. Il a publié récemment : Témoins d’artifice (2003) et, avec Pascal Le Brun-Cordier, « Queer. Repenser les identités » (nº 40 de la revue Rue Descartes). Il rédige actuellement un essai inspiré par Cap au pire de Samuel Beckett, sur le rôle de l’imagination dans la formation de l’esprit-témoin, intitulé Wit, Witness, Witnessness.
Hélène Volat dirige le Département d’Informations et de Référence à la Bibliothèque Melville de l’université de l’État de New-York à Stony Brook. Elle a publié des bibliographies d’œuvres et critiques de Jean-Louis Barrault (1990) et de Julia Kristeva (1992) aux Éditions Minard. Elle est l’auteur avec Robert Harvey d’une bio-bibliographie annotée de Marguerite Duras (Greenwood Press, 1998) et des Écrits de Michel Deguy (IMEC, 2002). Elle milite activement pour la défense des droits civiques au sein du « Bill of Rights Defense Committee ».