Connu comme un philosophe, essayiste et journaliste dont la pensée et l’engagement se sont formés en contact étroit avec l’existentialisme sartrien, le marxisme et l’écologie, André Gorz (qui nous a brutalement quittés, avec son épouse, en septembre 2007) a enrichi la philosophie sociale d’une œuvre critique qui fait de lui le principal théoricien de l’écologie politique en France.
Né à Vienne en 1923 (sous le nom de Gérard Horst), exilé en Suisse en 1938 (année de l’Anschluss), il devint un proche de Sartre dans les années cinquante et s’installa à Paris. Tour à tour responsable des Temps Modernes à la fin des années soixante (revue à laquelle il participait depuis 1961), puis cofondateur du Nouvel Observateur, sous le nom de Michel Bosquet, il vivait retiré dans l’Aube depuis le début des années quatre-vingt.
Avec des livres tels que Réforme et Révolution (1969), Écologie et Politique (1975), Métamorphoses du Travail (1988), Capitalisme, Socialisme, Écologie (1991) ou Misère du Présent, richesse du Possible (1991), Gorz est devenu l’intellectuel critique et radical dont les thèses concernant le travail, l’écologie, l’économie, le productivisme ou le rôle du prolétariat (Adieux au prolétariat ?, 1980) ont connu un écho considérable dans le monde entier. Cela, non seulement en raison du diagnostic lucide qu’il porte sur l’état réel de nos économies et de nos sociétés de capitalisme avancé (à l’ère de l’automatisation, de la robotisation, et de la révolution micro-informatique), mais aussi parce qu’il s’attache à penser concrètement les conditions d’une rupture avec le capitalisme. Il était convaincu que « l’exigence éthique d’émancipation du sujet impliqu[ait] la critique théorique et pratique du capitalisme, de laquelle l’écologie politique est une dimension essentielle. » (Ecologica, Galilée, 2008)
S’il a partagé l’enthousiasme de Mai 1968 pour les utopies et les modes de vie alternatifs, Gorz a toujours affiché un réalisme congédiant la vision romantique de l’attente impatiente de la « révolution au grand soir » et souligné que l’alternative éco-socialiste au capitalisme dominant ne pouvair se construire que lentement : par un processus de mise en place de contre-pouvoirs permettant la transition du mode de production aliénant du système capitaliste vers un mode de production éco-socialiste auto-géré.
Le présent essai (le premier sur André Gorz) est un hommage à l’homme et une lecture critique de son œuvre, à présent achevée.
Arno Münster, né le 10 août 1942 en Allemagne, est maître de conférences de philosophie à l’université de Picardie Jules Verne d’Amiens. Il est auteur d’une vingtaine de livres dont L’utopie concrète d’Ernst Bloch (Kimé, 2001), Sartre et la praxis (L’Harmattan, 2005) et Sartre et la morale (L’Harmattan, 2007).
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