Thèses sur concept de grève chante en vingt-trois
fois l’éloge de la grève. Et c’est très gravement
que cet éloge est chanté.
Ce livre fait de la grève, successivement, en
23 thèses, un sacrifice fait au soleil, acte de perte
et d’orage (Bataille), un balbutiement et un saut
par-dessus le savoir (Kleist), l’empêchement
d’un devenir-message pour l’empereur (Kafka),
une action (Arendt), le nom réel et conspué de
la démocratie (Rancière), l’abolition d’une séparation
(Marx), le rétablissement d’une possible
foule (Foucault), un orgueil revenu, remontant
(Montaigne), le mythe (Sorel), les têtes de
MM. Foulon et Bertier (Chateaubriand), un scandale
(Kristin Ross), le point culminant de l’existence
des sociétés modernes, soulevées soudain
à une sorte d’incandescence transformante
(Caillois), la Hollande engloutie (Claudel), l’invention
de l’impossible (Bergson), le commencement
(Péguy), une écharde ouverte dans la
chair de l’Histoire (Benjamin), etc.
Des extraits de ces Thèses sur le concept de
grève, rédigées par l’Institut de démobilisation,
avaient été diffusés lors des grèves de l’automne
2010, bien que sous une forme incomplète
encore, et éparpillée. Ils avaient notamment
circulé dans plusieurs lieux bloqués et occupés.
Ce livre fait se tenir ensemble, sur un cercle, les
vingt-trois thèses.
« Proposer une Grève au milieu de nous, en ce
siècle, nous a toujours paru, dès notre jeunesse, une
satisfaction du premier ordre, une des premières
que, le moment venu, nous dussions nous offrir.
Il nous semblait y être provoqués de toutes
parts, et, comme nous avons la tête près du bonnet,
que nous dussions aussitôt, sur le même ton ou sur
un autre, répondre.
Proposer des Thèses sur le concept de grève,
avec toute la résolution dont nous sommes
capables et venir les apporter.
D’urgence.
Hic et nunc.
Porter une Grève ici et maintenant.
Et que ce soit une louange.
Comme Malherbe en fit quelques-unes.
(Pour cette raison, qu’en maints passages, le
texte résonne au moins autant que raisonne). »
Thèses sur le concept de grève est entièrement
fait de morceaux de textes qui ne parlent pas de la
grève et parce qu’ils n’en parlent pas, en parlent
peut-être mieux que les textes qui en parlent.
C’est du moins le pari fait par les auteurs de
cette machine colossale et circulaire – appareil à
thèses, corollaires et scolies – harnachée sur son
plan, écartelée sur les rayons d’un cercle unique
– et que trouent les cinq points qui sont ceux,
selon la manière dont on les lie, d’un pentagone
ou d’une étoile. Et le tout – grand orbe – fuyant
dans le temps tragique de l’Histoire.
Recension par Didier Epsztajn sur Entreleslignesentrelesmots [avril 2012]
"Vive la grève, à bas la démagogie", recension par Éric Aeschimann dans Le Nouvel Observateur [15 février 2012]
Recension sur zones-subversives (28 juin 2012).
Recension par Jean-Sébastien Mora sur regards.fr (août 2012).