Notre époque est celle de la domination marchande sur le monde entier. Elle se caractérise par un état d’instabilité généralisée, où se multiplient des crises de toutes natures, économiques, sociales, politiques, environnementales. L’extinction de la guerre froide, qui a mis fin à la division du monde en deux blocs – capitaliste et communiste – n’a pas, comme certains bons apôtres le prétendaient, accouché d’un nouvel ordre mondial. Bien au contraire, nous vivons ce que l’on pourrait appeler un état de guerre permanent, car le monde unifié de la marchandise est obligé de se défendre en permanence contre des forces dites « nihilistes » – dont l’islamisme incarne la face la plus spectaculaire – qui n’aspirent à rien d’autre qu’à sa disparition.
Mais ce que cache cette violence généralisée – terrorisme planétaire d’un côté, insécurité et délinquance dans les mégapoles du Nord de l’autre- c’est que le monde est entré, comme l’avait annoncé Nietzsche, dans son devenir nihiliste. Tout entier régi par la production-reproduction des marchandises, dont l’obtention est censée procurer « plus de jouir », mais dont la consommation répétée ne procure qu’insatisfaction, l’espace-temps des pays riches se consume dans le rien de l’insignifiance à quoi aboutit le désir de marchandise, tandis que celui des pays pauvres et dominés se débat dans le néant de la mort, du meurtre et de la destruction.
Ce nihilisme vient de loin. Ce livre en entreprend la généalogie. Tout commence avec la volonté du sujet humain de maîtriser le temps, apanage jusqu’alors de Dieu seul. Le cogito cartésien invente le temps proprement humain, celui du sujet, tout le temps qu’il pense. La Révolution française en tire les conséquences politiques la Convention de 1793 institue un nouveau calendrier, c’est-à-dire une césure dans l’histoire humaine, l’An I de la république remplaçant l’An I après Jésus-Christ. Le mode de production capitaliste construit et met en place un temps social moyen abstrait, nécessaire à la transformation des objets en marchandise. Cette substitution de la valeur d’échange à la valeur d’usage, Marx l’analyse comme raison du « mystère du fétichisme de la marchandise ».
LE TERRITOIRE DU RIEN
Ou la contre-révolution patrimonialiste
En librairie le 2 novembre 2005
Et si le désir de révolution restait la seule alternative au désir du rien ?