La revue Lignes a trente ans (le premier numéro a paru aux éditions Séguier, en novembre 1987). 38 numéros ont paru d’abord, qui ont constitué sa première série ; auxquels s’ajoutent les 54 de la nouvelle.
C’était impossible ? L’époque, en effet, n’est pas aux revues. Pas, en tout cas, aux revues d’idées. Parce qu’elle n’est pas à la pensée. À la pensée en général : peu ; à la pensée politique : plus. L’opinion y suffit, que chacun s’est faite, ou se fait, dans laquelle la pensée n’entre que peu, et de préférence pas. Qu’au contraire, elle trouble. Et c’est un trouble dont il semble qu’on ne veuille plus.
Pour célébrer ce 30e anniversaire, Lignes a souhaité réunir un nombre significatif d’entre ceux qui y ont collaboré toutes ces années, et à qui Lignes doit essentiellement d’avoir existé.
Pas de thème pour ce numéro. Seulement un titre, minimaliste : « Ici et maintenant ». Pour dire que c’est de ce qui a lieu qu’il doit y être question (de ce qui a ou aura lieu). En majorité du moins. Parce qu’il n’y est pas interdit – au contraire – de se retourner sur ces trente années qui nous ont été communes (qui l’ont du moins été aux moins jeunes d’entre les auteurs de ce numéro) : à grands traits, de l’irruption des Le Pen sur le devant de la scène politique, de la chute du mur de Berlin, de la mondialisation du libéralisme, et du retour du religieux sous toutes ses formes, y compris les plus mortifères, etc., à…
À quoi au juste ? L’Amérique de Trump, la Russie de Poutine, les populismes partout, y compris en France cette année même.
Il n’est pas interdit non plus de se retourner sur les œuvres, les événements, les personnes qui auront marqué ces trente années. De se retourner sur Lignes même, et son histoire, longue déjà pour une revue (deux jeunes universitaires, l’un français l’autre britannique, en retraceront brièvement ici l’histoire).
La plus grande liberté pour chacun – seule règle. Seule règle à pouvoir faire qu’une revue vive qui aille contre l’ordre et l’opinion.
ICI ET MAINTENANT
I. Maintenant / Maintenance
- Jean-Luc Nancy, Ici même à présent
- Fethi Benslama, La folie des fondements
- Georges Didi-Huberman, Hâtons-nous lentement
- Pierre-Damien Huyghe, Le peuple comme métaphore
- Claude Calame, Le capitalisme néo-libéral et la négation de l’humain
- René Schérer, Impossible hospitalité
- Jean-Loup Amselle, Les nouveaux « nouveaux rouges bruns »
- Paul Audi, Guerre à soi
- Serge Margel, La vérité du mensonge
- Frédéric Neyrat, Le théorème de Losange
- Sophie Wahnich, L’éthos démocratique comme utopie
- Véronique Bergen, S’arracher au grand bordel de l’asservissement
- Christian Ferrié, 100 lignes d’émancipation à l’horizon
- Alphonse Clarou, Un ouragan de murmures
- Mathilde Girard, Prise de tête
- Ivan Segré, Le commentaire palestinien de l’hébreu du poème allemand
- Bernard Noël, Un mot pas d’autre
- Jacob Rogozinski, Terre sans retour (II)
- Alain Hobé, Le où du on
II
- Pierre Guyotat, Depuis une fenêtre
III. Ici / Persistance
- Alain Jugnon, Kafka ne joue pas avec les hommes
- Boyan Manchev, La politique des météores
- Martin Crowley, La défaite de la pensée (non mais, vraiment !)
- Louis Sala-Molins, « Vingt fois sur le métier… »
- Lambert Clet, Des ombres portées
- Adrian May, « L’immense paysage de Lignes »
Article de jean-Marie Durand dans les Inrockuptibles (28/09/2017)